Présentation de l'exposition
Le Musée départemental de l'Oise consacre une
exposition à Henri Le Sidaner (1862-1939) et au jardin qu'il
a créé dans sa maison de Gerberoy (à vingt
cinq kilomètres au nord-ouest de Beauvais).
L'artiste découvre Gerberoy, ancienne place forte du Beauvaisis,
en 1901 et est immédiatement séduit : " J'ai
connu l'étonnante surprise de pénétrer en l'ancienne
petite ville, un peu somnolente, mais imprégnée du
charme de son passé. " Il y fixe son cadre de vie, s'attache
à la renaissance et à la préservation du site
en préconisant la mise en valeur des maisons, des allées
et des espaces publics. Surtout, Le Sidaner y réalise pour
sa propre délectation un jardin qui ne ressemble à
aucun autre, nourri de ses voyages en Angleterre et en Italie et
de sa passion créatrice.
En 1928, le poète Camille Mauclair (qui s' " illustrera
", hélas, ultérieurement par ses prises de positions
xénophobes) publie un ouvrage important sur le peintre et
en intitule le cinquième et dernier chapitre : Le poème
de Gerberoy (qui décrit précisément le jardin
et la maison) " Ce jardin et cette maison, il les compose selon
son rêve, comme ses tableaux qui en naîtront. Tout son
travail est là. Il y a identification sereine entre sa demeure
et sa pensée ".
S'appuyant sur les strophes de ce poème, l'exposition propose
en une quarantaine de tableaux, vingt dessins et lithographies,
provenant de collections publiques et privées, une promenade
dans l'univers plastique de Le Sidaner. Des photographies anciennes,
réalisées pour la plupart avant 1914, permettent aussi
de découvrir l'intérêt du peintre pour l'art
du jardin.
Après une enfance passée dans la luxuriante Ile Maurice,
dix années dans les dunes du nord l'ont apparenté
au réalisme sentimental, alors en vogue. Le recueillement,
l'humilité semblent être les seuls sujets, autant que
les indéniables limites, de ses travaux d'alors. Les premières
récompenses de l'Etat le conduisent en 1892 dans l'Italie
des primitifs. Revenu à Paris dans l'effervescence symboliste
des années 1890 et tout en appartenant à cette génération
en quête d'une poésie nouvelle, il renonce à
suivre les traces d'un Gauguin qu'il admire ou de Seurat. Apprécié
pour sa gaieté et sa gentillesse, Le Sidaner est avant tout
un indépendant.
L'artiste concentre ses recherches sur les effets crépusculaires
et peu à peu la rusticité de ses motifs laisse place
à une vision plus vaporeuse marquant le début de sa
période symboliste. Parti une année à Bruges,
ses vues de la ville obtiennent un grand succès au Salon
et il signe un contrat d'exclusivité en 1899 avec le galeriste
Georges Petit chez qui vont désormais se regrouper chaque
année les peintres intimistes au sein de la Société
nouvelle.
Au milieu de l'été 1900, Le Sidaner s'installe à
Beauvais : " C'est un pays enchanté, par cet extraordinaire
automne, écrit-il bientôt à son ami Henri Duhem,
je resterai, je crois, plus d'une année à Beauvais
". En quelques mois, il peint une vingtaine de toiles. Au contact
des paysages du Beauvaisis, le peintre évoque ces instants
authentiques où la nature s'accorde avec le sentiment.
Grâce à Delaherche, en 1901, il découvre Gerberoy
sa future maison, décor qui va accompagner sa vie et son
uvre : la remet en état, y reçoit ses amis,
le peintre Eugène Chigot, compagnon de toujours, le critique
Gabriel Mourey, les peintres et collectionneurs Henri et Marie Duhem.
Ses vues de la petite ville, proposées pour la première
fois, au Salon de 1902 sont très appréciées.
La Table surtout, (acquise par l'Etat) retient l'attention et inaugure
une série qui a beaucoup contribué à affermir
sa notoriété. Le Sidaner, à la recherche de
nouveaux motifs, fait d'incessants voyages en France comme à
l'étranger (il expose aussi dans les grandes manifestations
internationales) mais rentre à la belle saison à Gerberoy.
Il émane une douceur de vivre de ses tableaux qui comptent
parmi les plus beaux et les plus représentatifs d'une peinture
intimiste (Le Goûter au jardin, musée de Belfast, Intérieur,
Boulogne-sur-Mer).
Après l'acquisition en 1904 de la propriété,
il transforme la grange en atelier, puis début 1906, y adjoint
un atelier d'été. " Ici on travaille au jardin
et cela finira par faire quelque chose de bien ". Il crée
bientôt une roseraie qui sera à l'origine de la réputation
de Gerberoy et qui retiendra l'attention en 1909 du directeur des
parcs et jardins de Paris. La même année, Le Sidaner
décide avec le maire, la création de la Société
des amis de Gerberoy dont la vocation est d'encourager l'embellissement
de la commune qu'il s'attache alors à transformer en la faisant
bénéficier de son goût pour les décorations
florales. Au cours de l'Entre-deux-guerres, Gerberoy devient un
lieu de villégiature. Plus encore que par le passé,
le peintre consacre une large part de son uvre à l'évocation
du jardin. De 1917 à 1936, il peint une impressionnante série
de tables, charmantes évocations, chargées d'émotion
et éclantes de vie (La Table. Harmonie blanche, 1927-La Table
et la maison, taches de soleil, Gerberoy, 1935).
Gerberoy est aujourd'hui encore considéré comme l'un
des plus beaux villages de France.